Ma nature, c'est la Nature

Enfant, je vivais à la campagne. Nous habitions une maison avec un jardin. Il y avait un puits, le lierre recouvrait les murs de pierres. L'été, nous dînions sous les acacias odorants, dans le cognassier géant, pépiait une nichée de mésanges. J'aimais sentir l'herbe fraîchement coupée. Ça sentait bon...

Dans mes souvenirs, restent gravées l'odeur des bois, sombres ou clairs suivant la saison. Nous empruntions le Petit Chemin longeant les maïs, hauts, très hauts ! Les parties de cache-cache entre les épis, pouvaient durer des heures, se transformer en chasse au trésor. ...Celle des étangs, creusés dans les Sablières, je ressens encore le touché du sable humide et chaud ; j'entends le concerto des grenouilles ; observe des fourmis processionnaires traversant sur une branche cassée, un "estuaire". La rugosité, sous la main, de l'écorce des arbres, leur force. Le parfum des coulemelles. Ma figure est encore baignée de vent des courses folles à vélo...

De l'autre côté du hameau, les prés, des pâquerettes ou des colchiques, les vaches. Tout au fond, derrière la longue ligne des peupliers dont la cime chatouillait le ciel : la Saône. Le bruit sourd et creux à la fois, des barques heurtant la berge au rythme des vagues ou du ressac après le passage d'une péniche. Le plouf des rames, le noeud au ventre : "Et si on chavire ?", "Elle coule ! elle coule !"... Les senteurs, acide, chaude, sucrée de la ferme. Je traversais la route avec mon bidon et revenait avec le lait tout chaud sorti du pis. J'entends encore le psitt contre le bord du seau ! Des oeufs plein de brins de paille, la bouche pleine de pâte de fruit...

 

Brutalement confrontée à la douleur de l'âme. Brièvement asphyxiée dans les rues d'une ville et écoeurée par la tournure du monde telle que je la pressentais, adolescente, comme exilée du pays de l'innocence, j'errai dans une autre campagne, proche de la première, mais si lointaine. Une déchirure les séparait : avant / après. Je regardais avec envie les cabanons des vignes, même les ruines. Y a t-il une place quelque part ? Une place à part ? Dernières sensations avant d'être emportée par le tourbillon de la vie, émotions des plus vives, inscrites à jamais dans mon être : mes liaisons avec les éléments...  j'ai entendu le chant de la terre ! ...

Enfance... Comme une page déchirée, froissée et jetée dans un coin de sa mémoire, que l'on n'ose ramasser, déplier et relire. Sourd aux cris de l'enfant emprisonné dans ses plis... Ce chapitre de moi-même ne contient pas seulement parmi les pires de mes souvenirs que je voudrai taire, au détriment de si chers bonheurs. Il recèle aussi ma vraie nature... Mon essence.

Passé... Présent. Comme déracinée, arrachée : une vie "hors sol". Comme un poids mort, inerte, je gis. Le béton des immeubles coulent dans mes veines... il me faut de l'oxygène ! Briser le carcan d'acier de cette société. M'échapper. Me délivrer !

Depuis longtemps, ces émotions veulent vivre, sortir des méandres de l'inespéré, s'exprimer au travers de la réalité. Ne plus graviter autour de la Nature, me contenter de l'admirer, de l'aimer, mais être parmi elle, me fondre en elle. L'apprendre et l'honorer.

 

 Arc-en-ciel (17/09/2010)

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